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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

Marche contre l’antisémitisme. Pourquoi pas, ou pourquoi ?

 

Encore faudrait-il s’entendre sur la définition de l’antisémitisme avancé ici pour y répondre. Sachant que nos tribunaux ont dû faire preuve d’une grande sagacité pour démêler les condamnations possibles dans le flot des sollicitations pour ce motif (3), on trouvera soit difficile d’en cerner précisément le sens, soit tout ce qu’on voudra.  

Concernant l’objet de la marche du 12 novembre 2023.

S’inscrivant en suite des événements de Palestine, on pourra se demander s’il s’agit de protéger nos concitoyens juifs contre des agressions en France, de prendre position dans le conflit palestinien, de lutter contre le racisme, de protéger la pratique du judaïsme, de s’opposer aux antisionistes, d’une manifestation politicienne ou de tout en même temps ?

 

S’agissant de la protection de nos concitoyens juifs en France.

Nos outils législatifs ont été affûtés depuis des décennies pour condamner tous les actes commis. La communauté juive est parmi celles les mieux admises par les français qui ne sont donc pas concernés, au-delà d’une sincère affliction partagée à chaque agression. La responsabilité est donc dans le camp de nos gouvernements successifs qui peinent à désigner les coupables.

 

S’agissant de prendre position sur le conflit palestinien.  

Selon l’ancienneté des événements à considérer, l’opinion de l’observateur pourra varier ; au moment de la création d’Israël, au cours des guerres de colonisation, au 7 octobre ou après l’intervention de Tsahal en territoire palestinien. La marche ne sera pas l’occasion de fédérer des français aux opinions qui diffèrent selon leur instruction du sujet. Netanyahu voudrait focaliser l’attention sur la tragédie du 7 octobre, d’autres verront les événements à Gaza, d’autres intègreront les origines d’Israël, d’autres encore considéreront comme Dominique de Villepin que « … ni la force ni la vengeance n'assurent la paix et la sécurité. Ce qui assure la paix et la sécurité, c'est la justice. La justice n'est pas au rendez-vous. » et que la marche n’apportera pas de progrès en cela.

Si la marche est en faveur des israéliens ou contre les terroristes du Hamas, pourquoi ne pas le dire ?

 

S’agissant de la lutte contre le racisme.

On devra distinguer le racisme avec sa définition condamnable dès lors qu’une hiérarchisation des races est supposée, de la diffamation raciste que le législateur condamne « à raison de l’origine ou de l’appartenance … à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». On trouvera ici motif à la marche pour en faire le reproche à notre gouvernement qui n’aurait pas su imposer un droit dont doit pouvoir bénéficier chaque français. Madame Yaël Braun-Pivet ancienne membre du gouvernement n’a pas évoqué ce motif en nous invitant pour dimanche.

Nota : la notion de race juive ne peut trouver de fondement dans la diversité des origines de la population juive.

 

S’agissant de protéger le judaïsme.

Cette cause ne peut pas être envisagée par un gouvernement qui n’a jamais organisé de marche en réaction aux attentats qui ont assassiné des fidèles chrétiens sur leur lieux de culte. Le Père Jacques Hamel égorgé dans son église n’a pas suscité de collectifs des artistes, de manifestations publiques contre les terroristes musulmans. Les chrétiens d’Orient sont ignorés au point que France-Inter avait refusé une annonce financée à leur profit  à Noël. Ces postures répétées ne permettraient pas de comprendre une marche au profit d’une religion, quand les autres sont maintenues à l’écart des manifestations de nos dirigeants laïcs.

 

S’agissant de s’opposer aux antisionistes.

La tentation est grande pour beaucoup d’amalgamer antisémitisme et antisionisme avec notre Président qui déclarait : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car c’est la forme réinventée de l’antisémitisme. ». Reste que l’ONU, l’Union Européenne et la France ont condamné l’occupation illégale des territoires palestiniens et les colonies (4). Ceux qui adhéreront à l’idée de Francis Kalifat (crif) « la haine antisémite a une étrange capacité à se réinventer sous de multiples formes. Nous avons besoin, pour la combattre, d’une définition incluant toutes ses formes actuelles, y compris l’antisionisme et le négationnisme » se retrouveront possiblement à la marche. Ceux qui comme Shulamit Aloni (*) ancienne ministre israélienne y verront une manœuvre politicienne du gouvernement israélien pour empêcher toutes critiques, ne marcheront pas forcément.

(*)  Shulamit Aloni (1mn27) : "l'antisémitisme est notre combine pour faire taire les critiques."

 

S’agissant de l’antisémitisme,

Rachid Temal rappelait au Sénat sans le définir, que « ..l’antisémitisme est enraciné depuis des siècles » (2), s’agissait-il du même que celui de la prochaine marche ?

L'antisémitisme a trouvé des variantes infinies qui l'ont éloigné de son acception ancienne (5). Les lois et les manifestations contre l’antisémitisme sont restées sans effet (3) dans le pays des droits de l’Homme qui protège les individus contre la censure. Avec son article 10 "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses." Le législateur protège le prosélyte et son contradicteur, comme leur liberté d’expression dont seule l’appréciation du juge pourra punir les abus. La loi éponyme du communiste JC Gayssot avec son article10« Toute discrimination fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite. » (3) a tenté d’encadrer cette liberté dont étaient victime notamment la communauté juive en France. Un résultat mitigé.

Le philosophe Henri Peña-Ruiz nous dit comment il entend la loi ; «Il n’est pas raciste de s’en prendre à une religion, mais il est raciste de s’en prendre à une personne du fait de sa religion.» Son propos faisait suite à sa précédente déclaration « on a le droit d’être islamophobe » (université d’été LFI 2019), dont on mesure par extension, qu’il vaut pour le christianisme, le judaïsme, la laïcité… (1). Avec la laïcité, le respect des croyances s’impose comme le droit de critiquer toutes les religions.

Nota : une opinion qui n’est pas exprimée publiquement ne peut pas être poursuivie.

 

Pourrait-il s’agir d’une manifestation politicienne ?

Probablement pas au départ. Sauf que les initiateurs n’ont pas résisté aux exclusions partisanes. Avec LFI pas de problème, ils se sont retirés avec leurs raisons. Avec Reconquête problème car Zemmour (juif) serait antisémite (6) et donc mal venu pour une marche contre l’antisémitisme... Quant au RN il est ostracisé pour cause d’antériorité malsaine par ses ennemis politiques comme Glucksmann récemment, alors que l’éminent Serge Klarsfeld en la matière pense « qu’il faut se réjouir que le Rassemblement national participe à la marche contre l’antisémitisme».

 

Alors faut-il y aller ? On peut y réfléchir.

Une cause même légitime infectée par des idéologies politiciennes de récupération, mérite-t-elle qu’on marche pour elle ?

L’antisémitisme mal défendu par des suppôts est victime de ce qu’on a trop voulu lui faire dire, avec des victimes qui sont ceux qu’on voudrait protéger.

« Qui trop embrasse mal étreint »

 

 

(1) En France, l’islamophobie est autorisée. - L'apostilleur (over-blog.com)

(2) (1/3) La civilisation, l’éducation ou la morale judéo-chrétienne… De pieux poncifs infondés. - L'apostilleur (over-blog.com)

(3)  … reprise de la déclaration NOSTRA AETATE (Vatican II 1965)  Les actes antisémites en France ; 74% de hausse ou 33% de baisse ? Des chiffres qui sont des calculs. - L'apostilleur (over-blog.com)

(4) L’antisionisme, obstacle à la reconnaissance des territoires occupés par Israël, sur la sellette. - L'apostilleur (over-blog.com)

(5) Une « histoire de l’antisémitisme » qui ne dit pas tout.. - L'apostilleur (over-blog.com)

(6) Yaël Braun-Pivet alors présidente de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale : « Je suis inquiète parce que je suis une femme et parce que je suis juive… Je ne sais pas si Eric Zemmour est antisémite, mais en tout cas, il est entouré d'un certain nombre de personnes qui sont très clairement antisémites » (franceinfo). 

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