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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

Nomination pour l’Europe d’un « défenseur des valeurs romaines, chrétiennes et grecques »

 Dit comme ça, des cris d’orfraie auraient inévitablement résonné depuis les couloirs de Bruxelles jusque dans les officines politiciennes en mal d’arguments pour leurs oppositions systématiques. Contrainte absolue du fonctionnement européen, un consensus a finalement été trouvé pour le titre et le mandat attaché à cette nécessité européenne. Initialement désignée « protection du mode de vie européen », sous les assauts de l’opposition au Parlement Européen elle a dû être remplacée par « promotion du mode de vie européen ».

Fonctionnaire, ancien député européen, Margaritis Schinas devenu commissaire européen a été promu vice-président par Ursula von der Leyen pour cette « promotion ».

Protection, promotion, quelle différence ?

Pour le savoir il convient de décrypter les déclarations variées des principaux concernés et de rappeler que ces discussions s’interpénètrent avec celles cruciales du Plan de Relance Européen.

Si la protection suppose des actions contre ceux qui voudraient attenter à son modèle, la promotion induit une propagande pour ce mode de vie que chacun se gardera bien de définir complètement. L’eurodéputé écologiste Philippe Lamberts nigaud ou peu assidu au Parlement Européen, lâchera même « … on n’a d’ailleurs pas idée de ce qu’il signifie ».

Œuvre du nécessaire consensus, la Commission européenne retiendra pour cette mission « Une Europe qui protège doit aussi être le garant de la justice et des valeurs fondamentales de l’UE…. » Elle attend des actions contre « Les menaces qui pèsent sur l’état de droit (qui) ébranlent les fondements juridiques, politiques et économiques de notre Union ».

On pourra voir ici la Hongrie et la Pologne notamment qui refusaient que soit conditionnée l’attribution des financements du Plan de Relance Européen à la réforme de leur pays dont la définition de l’état de droit n’était pas conforme à celle préconisée par le Parlement Européen, oubliant qu’une écrasante majorité de hongrois soutiennent leur président. Se pose au passage ici la question de la suprématie du droit européen sur celui des peuples. Une pirouette diplomatique européenne évacuera finalement cette condition pour faire accoucher douloureusement son plan. La Hongrie avait déjà fait reculer l’Europe et ses injonctions léonines quant aux quotas migratoires.

Cette présentation de la mission passée à la moulinette du consensus, paraîtra inattendue pour qui avait entendu les objectifs précédemment exposés par les uns et les autres, dont ceux essentiels à Margaritis Schinas, qui n’abordaient pas l’état de droit des pays en Europe comme on en jugera plus loin. 

Pourquoi y-a-t-il eu polémique ?

Il faut remonter à fin septembre 2019 lorsque Mme von der Leyen a présenté son équipe et expliqué que M. Schinas nommé pour « protéger notre mode de vie européen » serait « chargé des questions de migration. » Il y avait là une association acide qui visait les migrants dont il fallait se protéger; le PPE (droite) était frappé de populisme, Amnesty International parlera aussi de « rhétorique de l’extrême droite ».

S’il fallait illustrer les contorsions auxquels sont astreints nos représentants pour parler immigration, les déclarations de Margaritis Schinas et de Manfred Weber nous instruisent. Voyons.

Le premier, grec, parlait alors de  « migration, sécurité, droits sociaux, éducation, culture, jeunesse… » Les objectifs de Margaritis Schinas consistent à « superviser les questions d’éducation et d’intégration dans le marché du travail, de l’intégration des migrants et réfugiés, et plus largement du phénomène migratoire, légal ou non, de la sécurité, le nouveau pacte migratoire et d’asile, le périmètre Schengen, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex ainsi que la prévention du terrorisme en ligne et de la lutte contre la radicalisation. » On retrouve ici des propos bien en ligne avec ceux de Mme von der Leyen fin 2019 ;  « … Nous devons répondre et apaiser les craintes et préoccupations légitimes sur l’impact d’une immigration irrégulière sur notre économie et notre société… Notre mode de vie européen, c’est s’accrocher à nos valeurs...»

Le second, allemand,  défend le « mode de vie » européen et se dit « fier des valeurs européennes… Nous sommes fiers que ce Continent ait une influence chrétienne… ce n’est pas seulement quelque chose pour le musée, cela doit nous orienter pour l’avenir » Le projet européen doit être « défendu contre les nationalistes et les égoïstes » (Angela Merkel ne disait pas autre chose: « Les immigrants doivent s'intégrer et adopter la culture et les valeurs allemandes… Nous nous sentons liés aux valeurs chrétiennes. Celui qui n'accepte pas cela n'a pas sa place ici … Subventionner les immigrants ne suffit pas, l'Allemagne est en droit d'avoir des exigences envers eux… ».)

Sans prosélytisme, on retrouve chez les allemands ignorant les contraintes de la laïcité française, les accents de la proposition vaticane lors des débats autour du référendum pour la Constitution Européenne ; « L'apport décisif du christianisme et de la vision chrétienne de l'homme, à l'histoire et à la culture de différents pays fait partie d'un trésor commun… » Une opinion défendue par des penseurs non chrétiens et certains intellectuels juifs en France.

Si la France trouve avec Constantin la racine romaine et chrétienne de sa laïcité (*), l’Europe elle n’a pas oublié la trace de ces siècles chrétiens qui ont forgé sa culture. Oubliant le refus de J. Chirac en 2004 de faire référence aux origines chrétiennes de l’Europe dans le projet de Constitution européenne, l’Europe déclarera en préambule du traité sur l’union européenne (version consolidée 2012) s’inspirer « … des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine… »

Qui peut croire que les références chrétiennes de Bruxelles auraient un caractère prosélyte ?

Les tergiversations qui entourent « notre mode de vie » relèvent d’une approche sémantique. Des opposants imprégnés des arguments anticléricaux désuets de 1905 s’opposent à la religion chrétienne quant il n’est question pour Bruxelles que de conserver l’héritage culturel chrétien de l’Occident, incompatible jusqu’alors avec celui musulman qui nulle part et jamais ne se sont intégrés dans une société non islamique.

Erdogan réoccupe Sainte Sophie

Depuis l’implantation de ses millions de migrants l’Europe a constaté l’échec du multiculturalisme (2010) et ignoré néanmoins l’histoire récente des Balkans jusqu’à envisager (un temps) d’ouvrir ses portes à la Turquie laïque héritière de Mustapha Kemal.

L’autoproclamé imam d’Istanbul Erdogan l’aura convaincue de les fermer pour « préserver son mode de vie ».

Une nécessaire intégration des musulmans en Europe doit conditionner la suite migratoire pour que l’histoire de Chypre ne se reproduise pas et que l’Europe « conserve son mode de vie ».

Bon courage Monsieur Margaritis Schinas.

 

(*) Constantin considérait les religions et les communautés ethniques pour gouverner, il avait perçu que l’homogénéité de l’empire nécessitait d’unifier les chrétiens (Nicée 325 ap.JC). En laissant place aux cultes romains il posait pour la première fois dans l’humanité, les fondements de la laïcité de l’Etat, avec l’édit de Milan il donnait un droit égal à toutes les religions dans l’empire. 

1789 a rayé treize siècles de christianisme religion d’Etat. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ressuscitait le concept romain et chrétien de Constantin ; « Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. » La laïcité révolutionnaire conservera dans ses textes législatifs « l’inspiration de l’Etre suprême. »

Y faisant suite, en 1905 l’article 1 de la loi sur la laïcité déclare encore que « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public...»

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