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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

" La religion est une affaire d’Etat" Et la laïcité ?

 

 Loin des palabres actuelles autour de la laïcité, l’auteur justifiait cette assertion par le risque sinon, de voir apparaître des semeurs de troubles sectaires. Avec cette conception à la fin du XVIIe s. en Hollande, Spinoza chassé de la synagogue aussi pour sa conception nouvelle de Dieu, ne se doutait pas que la laïcité s’inventerait dans son paysage religieux.  

Le fil tissé au cours des siècles en Occident entre la chrétienté et les pouvoirs temporels s’est usé au gré des événements politiques jusqu’à casser en France en 1905. Ce faisant, la foi religieuse, comme les valeurs chrétiennes fondatrices de la culture occidentales, disparaissaient avec eux de l’ascendance de la Nation. La place de l’Eglise revendiquée par des ecclésiastiques partisans d’un régime ancien, devenait inconcevable pour la France du XXe s.

Alors germait une nouvelle religion, républicaine, qui se substituait à une conscience chrétienne désormais cloitrée, renvoyée au silence de ses églises. Fondée sur l’abandon des considérations religieuses, la laïcité sacralisera dès lors un vide spirituel pour la Nation qui sera interprété récemment comme une liberté disponible. Reléguant sans distinction la religion catholique et ses apports au rang des autres, elle rendait accessible sa législation aux autres religions. Figée dans un monde qui ne l’est pas, la laïcité prendra sa part de responsabilité dans les événements actuels sur fonds de religion.   

 

Ce faisant, la République s’éloignait des penseurs non chrétiens qui avaient perçu l’apport de cette religion à l’élévation de la Nation ; « …le bien pour tous, l’éducation, la charité, la justice (sociale), la morale … ». Des valeurs universelles accessibles aux consciences par le chemin religieux qu’entrevoyaient ces philosophes, que la République et ses tribunaux ignoreront, concédant une place à leurs contraires.

Un constat exempt de tout prosélytisme. 

 

Possiblement inspiré par Spinoza devenu paria, Rousseau développera une proximité avec lui. Acteur de la déchristianisation, il avait néanmoins souligné cette nécessité d’accompagner le politique d’une religion de l’Homme. Il proposait une « introspection menant à retrouver en soi l’instinct de Dieu… mais aussi l’instinct moral » avec cet avertissement ; « ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n’entendront rien à chacune des deux ».

Dans sa Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses, Sylvain Zac rapproche les positions de Rousseau et de Spinoza (l’un baptisé, l’autre né juif), en ce qu’ils sont « ennemis farouches du fanatisme et de l’intolérance… partisans de la liberté de conscience, de la liberté du culte et religieuse…» et qu’ils se retrouvent non pas sur « …les signes et les miracles » des Evangiles mais sur « …la parole universelle d’amour qui s’adresse à tous les hommes.» Un œcuménisme qu’ils ne retrouvaient pas dans le judaïsme introverti comme l’islam qui s’en inspira.

Qui s’opposerait à ce précepte ?

Il n’est pas question ici de religiosité mais de références spirituelles propres à rapprocher les hommes sous couvert d’une religion dominante reconnue librement, non dominatrice, avec le dessein de ne pas ignorer sa contribution à l’élévation de la Nation. Sans affinités personnelles avec la chrétienté qu’ils ont davantage critiquée qu’approchée, ils y puisent néanmoins les valeurs humanistes nécessaires à la construction de la société qu’ils conçoivent.

 

Avait-il forgé ce sentiment avec Rousseau ? Etait-ce pour les mêmes raisons que Théodose 1400 ans plus tôt quand il imposait la religion unique ? Convaincu lui aussi de la nécessité d’une unité morale et citoyenne, dans l’impossibilité de se référer au Dieu des chrétiens pour justifier ses références spirituelles, Robespierre fêtera l’Etre Suprême (toujours en préambule de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen). La Nation ne restait pas longtemps sans religion.  

Malgré l’anticléricalisme et les actions de déchristianisation révolutionnaires, assuré lui aussi comme les philosophes de cette nécessité pour la Nation, Napoléon recollera des morceaux avec les catholiques sans être soupçonné pour autant lui non plus de prosélytisme. Avec le Concordat (1801) il reconnaîtra le catholicisme « religion de la majorité des citoyens » et trois autres cultes ; réformé, luthérien et israélite, après avoir contraint par décret les juifs à respecter la Constitution. Pour lui, "Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole... C'est en me faisant catholique que j'ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j'ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais le peuple juif, je rétablirais le temple de Salomon…

 

Avec cet acte politique, il réconciliait les citoyens et le pouvoir spirituel prédominant des siècles précédents.

En 1905, la redite laïque (La République assure la liberté de conscience…) reprend les dévotions révolutionnaires (Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses. Elle garantit le libre exercice des cultes…) et finit par séparer la République de la religion, en réalité de l’influence catholique, cœur du combat à l’origine de la loi.

Abandonnant en même temps les attentes spirituelles des philosophes, les députés édictent que « La République ne reconnaît (plus)… aucun culte ». Le lien plus que millénaire avec le christianisme disparaît.

 

La France de 1905 reconnaitra par conséquent toutes les religions également, en les ignorant.

 

 « …à la faveur des protestants et des israélites », qui ont récupéré la propriété de leurs biens cultuels, l’opposition au catholicisme exacerbée d’une majorité des députés aura pour effet dès lors, d’ouvrir pour plus tard la boîte de Pandore. La victoire législative devenait celle des autres religions. Dans sa décision entière, la loi de 1905 éteindra le phare séculaire du christianisme destiné autant aux citoyens qu’à ses visiteurs qui abordaient la Nation.

La laïcité née de ce combat n’avait pas imaginé une implantation islamique.

 

En 2004 lors de la rédaction du préambule de la Constitution européenne, la France (Chirac) enfoncera le clou en refusant de mentionner les racines chrétiennes de l’Europe. Elle s’opposera aussi, au motif de sa foi dans le multiculturalisme d’alors, aux propositions non théologiques qui rappelaient « L'apport décisif du christianisme et de la vision chrétienne de l'homme, à l'histoire et à la culture de différents pays (qui) fait partie d'un trésor commun… »,. Rousseau, Spinoza et l’Occident s’y seraient pourtant retrouvés.

 

A en juger par ce qui suivit, elles manqueront ailleurs qu’en France.

 

Regrettant cet abandon de son Histoire Angela Merkel recimentera sa Nation d’une formule osée ; « Nous nous sentons liés aux valeurs chrétiennes. Celui qui n'accepte pas cela n'a pas sa place ici ». Disant cela, la Chancelière rappelle l’attachement de son peuple à ses fondamentaux culturels et se réfère davantage à Rousseau qu’au Vatican.  C’est ce qu’a rappelé également le Président Sarkozy dans son discours à Ryad « …je veux préserver l'héritage d'une longue histoire, d'une culture, et, j'ose le mot, d'une civilisation… ».

Reconnaître une religion dominante au motif de son antériorité séculaire, culturelle et morale est compris partout dans le monde.

 

Si les députés de 1905 discriminaient ostensiblement les catholiques, les présidents européens n’auront pas la même détermination avec l’islam en filigrane dans leurs déclarations conjointes en 2010 à propos de l’échec du multiculturalisme.

 

De son côté la France ignorant les recommandations de ses philosophes, se contorsionne avec une laïcité devenue religion d’Etat pour les uns, et libertaire pour d’autres. Elle s’interdit des déclarations comme celles de la Chancelière fréquentes en Europe. Elle est débordée par des manifestations musulmanes excessives qui trouvent leurs fondements avec l’Observatoire de la laïcité qui garantit « aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions » rejetant à ce titre toute limite de l’expression de leur culte. Leur bon droit ayant été validé par le Conseil Constitutionnel.

L’égalitarisme religieux, pilier du communautarisme a conduit à son échec déclaré en Europe en 2010, et participe à l’effritement de la Nation.

 

Michel Houellebecq qui a renoncé à devenir catholique, énonce un avis qui reprend celui des philosophes et se décline du Concordat; « … Au fond, l'intégration des musulmans ne pourrait fonctionner que si le catholicisme redevenait religion d'État. Occuper la deuxième place, en tant que minorité respectée, dans un État catholique, les musulmans l'accepteraient bien plus facilement que la situation actuelle ». 

Ce serait probablement un moindre mal pour Jacques Julliard qui prévient que; « …le peuple n’admettra jamais le communautarisme parce qu’il sait bien que, substitué à la République une et indivisible, il mène à la guerre civile » (débat progressistes/nationalistes/populistes).

 

Du haut des remparts de la laïcité, après avoir affalé son étendard ancien, la Nation « abîmée » observe des nouveaux croyants se glisser dans le lit de la loi de 1905 préparée par des députés sûrs de leur vote, et d'un bénéfice pour la Nation.

Les perturbations religieuses du XXIe s. remettent en cause cet équilibre avec un islam qui en profite.

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