Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

ALGERIE. Paris souhaite que l'élection réponde aux aspirations profondes du peuple algérien. Traduction.

L’histoire de l’Algérie est une conséquence de la nôtre qui a pour effet encore, de contraindre à la prudence notre diplomatie.

Benjamin GRIVEAU s’est contenté d’une banalité révélatrice de la précaution gouvernementale du moment ;

« … nous formons le vœu que cette élection donne à l’Algérie l’impulsion nécessaire pour faire face aux défis qui sont les siens et pour répondre aux aspirations profondes de sa population. »

La réalité est empreinte de traces que le temps n’a pas encore effacées ; la  colonisation certes mais aussi une culture que nos peuples ne partagent pas. Deux obstacles insurmontables aujourd’hui pour des rapports sincères et honnêtement cordiaux.

Un temps de réflexion diplomatique est une nécessité pour un gouvernement français avant de s’exprimer s’il ne veut pas, comme avec F. Hollande, susciter de vives réactions algériennes. Extrait d’un article (09/2015) d'Info Alternative:

« … Que tous les Musulmans du monde entier sachent que l’Algérie musulmane… déjà placée sous tutelle de la France sioniste, que le peuple algérien est pris en otage par une mafia  franco-sioniste... Voilà comment la France propose au peuple Algérien…une réforme qui effacera définitivement sa religion, sa culture, son passé, sa langue et son patrimoine..» etc. Si on peut espérer que le temps a contribué à effacer ces outrances, rien n’est moins sûr que leur totale disparition.

L’ancienne puissance coloniale est toujours associée à l’idée que se font quelques-uns de la France, ce passé est à fleur de peau chez les algériens et l’ambivalence de la relation franco-algérienne en est la conséquence. Ces arrières- pensées ne sont pas près de s’effacer, et ce n’est peut-être pas un mal si elles permettent de garder une distance prudente et sage entre les pays.

Les jeunes algériens qui manifestent si bruyamment contre l’immobilisme d’un pouvoir dictatorial sclérosé, suscitent d’abord la sympathie. Mais avant de se prononcer, il convient d’apprécier deux visions qui s’opposent quant à la suite des événements qu’ils pourraient provoqués.

D’un point de vue algérien, l’image de nos démocraties occidentales relayée par des millions de leurs descendants immigrés en France semble leur paraître attirante, à en juger par le nombre de candidats au départ. Les jeunes qui ont interpellé notre Président dans les rues d’Alger à propos des visas qu’ils souhaiteraient obtenir confirmeraient ce désir. Mais la France qui compte déjà 5 ou 6 millions de leurs coreligionnaires, n’est pas disposée à faciliter ce mouvement migratoire à en juger par l’augmentation des rejets des demandes de visas des algériens suite à la mise en place d’un nouveau dispositif par le ministère français de l’Intérieur (voir le commentaire de l’ambassadeur de France à Alger).

Après tout, l’indépendance doit être assumée par les algériens et leurs descendants qui se sont battus pour cela. Et l’avenir de leur pays dépend davantage de leur implication sur place pour le modeler à leur image, qu’à vouloir s’en échapper. De ce point de vue, les manifestations sont un préalable compréhensible au changement, même si la marche reste haute. Les aider en cela serait souhaitable plutôt que de continuer à distribuer de nouveaux droits à pension comme E. Macron à Alger (02/2018).

On n’a pas à s’interroger longtemps sur les motifs de cette volonté de quitter un pays sous perfusion des seuls subsides gazo-pétroliers (97% des exportations). Car l’immobilisme en matière de développement est consternant comparé par exemple au Maroc voisin, dont les exportations dans le même temps, à hauteur de 63%, proviennent des secteurs de l’automobile, des phosphates, de l’agriculture et agro-alimentaire.

 

Ces quelques chiffres mettent en perspective le constat cinglant du journal algérien EL WATAN repris par les ECHOS il y a quelques temps. Son article « Quand l’Algérie perd ses repères », dresse un tableau inquiétant du pays « …violence, racisme, individualisme, incivisme, peu d’intérêt pour le travail, culte de l’argent, dévalorisation de soi l’Algérie a tourné le dos à sa lumière salvatrice durant la longue nuit coloniale et les siècles d’invasions…» EL WATAN accuse « la mauvaise politique » éloignée « des grandes figures comme IBN KHALDOUN (XIVe s. !!) ou ABDELKADER » et regrette que « les valeurs séculaires, surtout parmi les jeunes générations sont perdues. Le sacré hypocrite est devenu la règle. » Il dénonce « la petite bourgeoisie néolibérale qui prospère à l’abri d’un capitalisme d’Etat débridé » et « …la stratégie étatique de distribution de la rente qui a eu des effets pervers en détournant les algériens du travail et de l’argent mérité ». Il conclut « Plus de cinquante ans après l’indépendance, l’Algérie paye le prix fort de la prise du pouvoir par des clans aux ambitions centrées davantage sur sa conservation que sur la construction d’un pays moderne et démocratique ».

Ce brûlot venu de l’intérieur éclaire quant aux origines du mouvement qu’un pays tiers serait malvenu de présenter aux dirigeants algériens pour les conseiller. Sans ses ressources naturelles, le pays serait probablement sous influence d’un FMI qui pourrait insuffler des changements.

On ne s’étendra pas ici sur ces …femmes algériennes qui se battent pour porter des bikinis sur la plage sans se faire harceler en juillet 2017.

Il n’en reste pas moins, que BOUTEFLIKA au passé apprécié par beaucoup d’algériens certainement encore, est aussi perçu ailleurs comme le garant de la stabilité de ce pays dont personne ne peut dire ce qu’il adviendra sans lui. Même fatigué il reste un rempart face à l’inconnu que la France pourrait redouter.

D’un point de vue français, nous devons considérer que les algériens ne font pas partie de l’Occident, concept politique héritier des valeurs, romaines, grecques et chrétiennes et géographique. L’Algérie n’en a pas été exclue, elle n’a jamais souhaité se convertir à ce concept. Les arabes leur ont imposé une langue qui subsiste parmi d’autres (tamazight, darja, français) et une culture attachée à l’islam, leur faisant oublier leurs origines berbères. 1 algérien sur 3 est d’origine arabe (bien plus que les autres pays du Maghreb) mais 1 sur 2 d’origine berbère. Nous devons respecter cette culture arabo-islamique qu’ils ont adoptée même si elle est un frein à l’intégration dans notre pays. Si la colonisation avait réussi, nul doute que les différences culturelles se seraient estompées davantage comme on peut le vérifier ailleurs (DOM TOM). Une visite dans les pays de l’arc antillais (Grenadines par exemple) permet de s’en convaincre.  

Que doit attendre la France d’algériens qui ressassent à chaque diffusion de leur hymne national leur animosité envers la France ?

Extrait : "…Ô France ! Le temps des palabres est révolu Nous l’avons clos comme on ferme un livre Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes Prépare toi ! Voici notre réponse Le verdict, Notre Révolution le rendra..." 

Ou de ceux « français », qui sifflent la Marseillaise lorsqu’elle est chantée au stade de France ?

D’où viennent ces démonstrations ? Amertume postcoloniale persistante ? Illustration de l’échec du multiculturalisme ?

En 2014, les manifestations bruyantes des algériens avaient provoquées des réactions regrettables qui traduisent les tensions sociétales sous-jacentes.

Le gouvernement n’est pas sans ignorer les difficultés communautaires dont le niveau de tolérance (d’acceptation) reste à améliorer. Le CNCDH nous dit (mars 2018) que « …parmi les minorités vivant en France (noirs, asiatiques, juifs…) les Maghrébins et les musulmans sont les moins acceptés. » Il est donc impératif d’améliorer en priorité notre entente avec les algériens devenus français, avant d’ouvrir les portes à ceux qui pourraient grossir les rangs de futurs déçus.

Toutes ces considérations traduisent la position en retrait de la France, dans le contexte remuant du moment. Nous ne sommes pas encore capables de tout nous dire.

Si la langue française largement parlée par les algériens devrait faciliter une compréhension mutuelle, de nombreux facteurs fermentent dans la « pomme de discorde » latente, préambule si on n’y prend pas garde, à de graves pépins.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article