26 Février 2018
Le Saint-Sépulcre, tombeau du Christ, est fermé pour protester contre la nouvelle fiscalité israélienne. Depuis vingt ans le Saint-Siège et Israël discutent « … de la signature d’un document devant traiter de la question des propriétés ecclésiastiques, des exonérations fiscales sur le revenu des activités commerciales des communautés chrétiennes. »
Visiblement les uns pensaient avoir l’éternité pour en discuter pendant qu’à la mairie de Jérusalem on s’impatiente devant ce manque à gagner.
Devant trouver le temps long, le maire de Jérusalem, à la façon israélienne, n’y va pas de main morte et tranche ; « Nir Barkat a fait geler plusieurs comptes en banque des Eglises, les empêchant de facto de poursuivre leurs missions dans la ville, de l’accueil des pèlerins aux fonctionnements de leurs écoles. » au motif que les responsables des Eglises grecques orthodoxes, catholiques et apostoliques arméniens refusent de payer l’impôt –l’arnona (*)- sur les activités commerciales qu’elles développent. Comme si cela ne suffisait pas, "Le projet de loi odieux doit être abordé par un comité ministériel qui s'il est approuvé, rendrait possible l'expropriation des terres des Églises".
Les responsables des Eglises considèrent que la loi est «… discriminatoire et raciste et vise uniquement les propriétés de la communauté chrétienne en Terre Sainte », rendant « …possible l’expropriation des terres des Églises ; Cela nous rappelle toutes les lois de même nature qui ont été adoptées contre les Juifs pendant les périodes sombres en Europe. » ajoutent-ils.
Quelle mouche a piqué Nir Barkat et les israéliens ? Seraient-ce les articles de GLOBES (journal israélien publié en hébreu) qui dénonçait récemment « un département secret » à Bercy à l’encontre « …des seuls contribuables juifs … un certain nombre d’enquêtes internationales contre des Français (n.d.l.r. juifs) soupçonnés de fraude fiscale et d’évasion fiscale d’une ampleur considérable et de blanchiment d’argent en Israël à travers des achats immobiliers »
Le président de la Confédération des juifs de France et des amis d’Israël, Richard Abitbol, a demandé «un démenti officiel».
Si à Bercy on a reconnu, que dans les dossiers « il y a peut-être un peu plus de juifs qu’il y en a dans la population française, cela s’explique par l’histoire. Dans les années 1940, beaucoup de juifs français ont voulu protéger leurs héritiers en plaçant de l’argent en Suisse », que « les fonctionnaires français ont bien travaillé sur la fraude à la TVA sur les quotas de carbone de 2008-2009, dans laquelle de nombreuses personnes juives sont impliquées» et qu’ « il est vrai que nous avons de très mauvaises relations fiscales avec Israël. », Bercy dément cependant catégoriquement avoir monté une cellule dédiée aux contribuables juifs.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/12/29/bercy-dement-categoriquement-avoir-monte-une-cellule-dediee-aux-contribuables-juifs_5235812_3234.html#6PyBuHWC6fEBFi5E.99
Le maire de Jérusalem a oublié que l’Eglise orthodoxe, très puissante à Jérusalem, ne fait pas bon ménage avec l’impôt. L’exemple grec nous a montré les liens qui existent entre l’Eglise et l’Etat avec pour conséquence d’épargner encore l’Eglise orthodoxe de l’effort fiscal avec l’assentiment de sa population.
Les Eglises ont décidé de ne pas rester les deux pieds sous la même soutane, la mairie doit donc s’attendre à une forte résistance. Cette manifestation ecclésiastique pourrait bien se profiler sous de bons auspices pour elles. En effet, Israël se prend les pieds dans le tapis avec le timing de cette histoire. GoIsraël, organisme chargé du tourisme, a décidé de lancer en ce début d’année un plan de communication international pour le développement de son tourisme. A en juger par certaines images publicitaires les chrétiens sont bien ciblés avec la présentation des coupoles des églises orthodoxes mises en avant et on peut comprendre pourquoi quand on sait que plus d’un million des visiteurs sont des pèlerins qui représentent plus de la moitié des touristes en Israël. Mais à l’évidence, ces touristes ne manqueront pas d’annuler leur voyage si le Saint-Sépulcre est « en grève ». Voilà donc une mauvaise nouvelle pour les promoteurs de ce programme. Le maire de Jérusalem aurait dû se concerter avec son ministère du tourisme.
Pour juger de l’initiative discutée de Jérusalem, d’autres questions viennent à l’esprit.
Cette décision israélienne est-elle une conséquence de la décision de D. Trump de déplacer l’ambassade des Etats Unis à Jérusalem, distillant ainsi l’idée de Jérusalem capitale (sans distinction EST/OUEST) d’Israël ?
Les Eglises affectent une partie des fonds nouvellement imposés à leurs œuvres charitables en Terre Sainte et donc aussi aux chrétiens d’Orient. Cette destination pourrait-elle déplaire au gouvernement israélien ?
A propos du Saint-Sépulcre situé à Jérusalem EST, quel est le bienfondé d’un impôt perçu par Israël sur un territoire occupé ?
Les commentaires ne parlent pas de ce qui pourrait être une singularité de cette fiscalité ; comme chacun sait, le Saint-Sépulcre est vide depuis plus de 2000 ans, méritera-t-il à ce titre la surtaxe que prévoit Jérusalem « lorsqu’un bien est vide depuis 9 mois minimum, le montant de la taxe est doublé. »
(*) L’impôt israélien réclamé aux Eglises c’est l’arnona, notre taxe d’habitation. Elle est décidée par le maire et validée par le ministère de l’intérieur aux mains du Likoud (parti de Netanyahu). Cette initiative de Jérusalem est donc bien israélienne.
Déclaration des Patriarches et Chefs des Eglises faisant suite à la décision de la Municipalité de Jérusalem d’imposer les Eglises sur leurs biens non cultuels :
Communiqué des Patriarches et des Chefs des Eglises à Jérusalem
le 14 février 2018
A la suite du communiqué de la Municipalité de Jérusalem déclarant que les Eglises présentes à Jérusalem devraient payer les taxes municipales (connues sous le nom d’Arnona), nous, les Chefs des Eglises à Jérusalem, déclarons qu’une telle déclaration est contraire à la position historique entre les Églises présentes dans la Ville Sainte de Jérusalem et les autorités civiles à travers les siècles. Les autorités civiles ont toujours reconnu et respecté la grande contribution des Églises chrétiennes, qui investissent des milliards dans la construction d’écoles, d’hôpitaux et de maisons, et ce particulièrement pour les personnes âgées et défavorisées, en Terre Sainte.
Nous déclarons qu’une telle mesure sape à la fois le caractère sacré de Jérusalem et compromet la capacité de l’Église à mener son ministère sur cette terre au nom de ses communautés et de l’Église présente dans le monde entier.
Nous demandons à la municipalité de retirer sa déclaration et de continuer à veiller à ce que le statu quo, sanctionné par l’Histoire sainte, soit maintenu et que le caractère saint de la Ville de Jérusalem ne soit pas violé.
Nous sommes fermes et unis dans notre position pour défendre notre présence et nos propriétés.
Les Patriarches et des Chefs des Eglises à Jérusalem
+ Patriarche Theophilos III, Patriarcat Grec Orthodoxe
+ Patriarche Nourhan Manougian, Patriarcat Orthodoxe Apostolique Arménien
+ Monseigneur Pierbattista Pizzaballa, Administrateur Apostolique, Patriarcat latin
+ Fr. Francesco Patton, ofm, Custode de Terre Sainte
+ Archevêque Anba Antonious, Patriarcat copte orthodoxe, Jérusalem
+ Mgr Swerios Malki Murad, Patriarcat syrien orthodoxe
+ Archevêque Aba Embakob, Patriarcat éthiopien orthodoxe
+ Mgr Joseph-Jules Zerey, Patriarche grec-melkite-catholique
+ Archevêque Mosa El-Hage, Exarchat patriarcal maronite
+ Archevêque Suheil Dawani, Église épiscopale de Jérusalem et du Moyen-Orient
+ Mgr Ibrahim Sani Azar, Église évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre Sainte
+ Mgr Pierre Malki, Exarchat patriarcal syro-catholique
+ Mgr Georges Dankaye’ , Exarchat patriarcal arménien catholique