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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

Tyrannie et démocratie. Sœurs ennemies mais plébiscitées.

 

 

 

Au XIXe s. Tocqueville décrivait le despotisme démocratique, une conception qui s’entend avec des individus gagnés par l’importance de leur bien-être et d’une justice égalitaire quitte à perdre de leur liberté; la tyrannie de la majorité pouvant affecter l’intérêt général.

Sa réflexion suivait des événements bien plus anciens qui lui ont donné alors raison.

Dans l’Antiquité grecque pour accéder à sa position, le tyran s’attirait d’abord le soutien des classes appelées inférieures qui constituaient un réservoir de soutiens pour son accession au pouvoir. Sa stratégie reposait sur un antagonisme exacerbé entre les riches et la multitude qui le légitimait.

Le moment de l’insurrection favorisée par le tyran était choisi à l’occasion d’un événement avec un grand rassemblement auquel participaient des « porte-gourdins ». Lui-même issu des rangs de ceux qu’il entendait combattre et remplacer, le tyran n’avait pas d’autre objectif qu’un pouvoir personnel, il dirigeait d’une main ferme sans partage, son entourage devait se soumettre ou se démettre. Le désordre était le terreau de son ascension, il devenait le recours du peuple qu'il défendait contre les puissants. 

Après avoir renversé le gouvernement établi, il suivait le conseil de Thrasybule de Stiria (Ve s. avJC) « couper les épis qui dépassent », gare aux réfractaires. Dans un premier temps l’effet démagogique qui consiste à prendre aux riches pour redistribuer aux pauvres était payant, les bénéficiaires plus nombreux soutenaient le tyran qui effaçait les dettes et redistribuait les terres.

Plus tard, le peuple enrichi réagissait contre les pouvoirs de son tyran qui entravait ses libertés. L’importance accordée d’abord à l’amélioration de ses conditions de vie, faisait place à celle devenue prioritaire des libertés. Les tyrans ne faisaient plus long feu. A Athènes on gravera dans le marbre que l’assassinat d’un tyran était autorisé.

Tyrannie et démocratie s’opposaient et se complétaient par itération.

 Solon VIe s. avJC

Solon père de la démocratie avait été sollicité pour remettre de l’ordre à Athènes, et traité de sot pour avoir refusé les pouvoirs du tyran qui lui étaient proposés. Il critiquait « les débauches de luxe comme de puissance » et voulait réformer avec « l’autorité de la loi en ajustant l’une à l’autre, force et justice… ». Arbitre des problèmes sociaux de la cité il prendra aussi des décisions radicales, suppression de toutes les dettes publiques et privées, affranchissement du peuple. Il conservera des droits et obligations pour les plus riches et des exemptions pour les plus pauvres. Il avait compris ce dont la cité ne voulait pas ; « …non-liberté, démesure, impiété, irrationalité ». On aurait pu voir ici avec Solon les fondations d’une société pérenne.

Ce nouveau pouvoir avec des valeurs démocratiques au bénéfice de la foule, sera victime d'un constat expliqué par Platon qui conduisait inéluctablement au besoin de tyrannie ; une démocratie corrompue par « … l’excès de libertés qui conduit à la ruine de la liberté » (*).

Aristote avec sa politeia (politique) préférait une république modérée et raisonnable, avec une oligarchie et une démocratie en intelligence, dégagée de l’influence des démagogues favorables au pouvoir de « …la masse du peuple » obtenu au détriment des riches.

Malgré une transformation sociale importante de la cité des désordres suivirent et une guerre civile amena le tyran Pisistrate. Il sera apprécié et poursuivra l’œuvre de Solon. 

Ces épisodes de la vie athénienne montrent que tyrans et défenseurs du peuple ont finalement conduit à l’adoption des mesures démocratiques de Solon. La vision politique supérieure partagée par ces grands hommes, surmontait l’incapacité d’une foule insuffisamment instruite des principes démocratiques pour les mettre en oeuvre.  

Un peu plus tard Clisthène instaurera à Athènes une nouvelle démocratie qui s’enrichira avec des prêts consentis aux courageux entrepreneurs qui fondèrent de nombreuses exploitations d’olivier. Le commerce de l’huile développa l’artisanat des poteries nécessaires à son exportation avec les activités maritimes. On connait la suite.

 

La richesse d’Athènes profitera à tous et démontrera qu’une démocratie réussie repose sur la conjonction d’une justice sociale et d’un nécessaire enrichissement.

 

Cette maturation de la chose politique avec un comportement public éduqué attendra des siècles avant d’imprégner nos rives.

Bien plus tard et loin du berceau de la démocratie, les romains se heurtèrent à des gaulois encore ignorants des progrès du Parthénon. Strabon avait remarqué qu’ils étaient « …sensibles au pouvoir de la parole » et Diodore dira d’eux « qu’ils avaient coutume de se disputer au cours des repas pris en commun… prélude à des violences qui dans une société plus paisible pouvait les prévenir. Les Gaulois étaient avides de nouvelles au point que les autorités dès avant la conquête avaient dû prendre des précautions pour éviter que des agitateurs ne causent des troubles graves… ». César fixera comme règle que « …quand il s’agissait des affaires publiques, on n’avait le droit d’en parler que dans les conseils ».

 

Certes le temps a passé, cependant si les mêmes causes produisaient les mêmes effets avec des atavismes aidants alors toute ressemblance avec les événements actuels serait-elle concevable ?

(*) Pour Manuel Bompard (LFI): « Le vote n'est pas forcément l'alpha et l'oméga de la démocratie. L'objectif c'est d'être le plus efficace possible »

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