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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

Macron, Vichy et la maladresse de Zemmour autour d’un « détail » de son histoire.

 

La crucifixion de Zemmour au motif de son opinion sur Vichy et les juifs français semblait scellée tant le consensus était général contre une idée enracinée au fil du temps, en ligne avec celles de nos compatriotes d’après-guerre lors du procès du député Laval élu en 1924 avec le « Cartel des gauches ». Le juger à ce moment de notre histoire était une gageure. La presse des résistants parlera « d’un naufrage pénible du procès ». Nous sortir donc sans motifs sérieux des sentiers embourbés d’un Vichy généralement condamné depuis paraissait impossible, sauf par des juifs.

A l’encontre d’une bien-pensance établie le candidat Zemmour s’y est essayé avec ce grain de sel qu’il avait déjà évoqué bien avant ; "Vichy a protégé les juifs français et donné les juifs étrangers". Comme Serge Klarsfeld à propos du Vatican de PIE XII (*), il ajoutera qu’un gouvernement dominé par l’envahisseur nazi « faisait ce qu’il pouvait ». Badinter dira (6) à propos de Vichy et de l'occupation nazi de la France entière en 1942, " l'emprise des allemands sur le gouvernement de Vichy etait devenue totale "

Zemmour en sa qualité de juif revendiqué, est presque (**) exonéré de l’opprobre antisémite auquel tout autre aurait eu droit de facto par la vindicte médiatique, en s’engageant sur la même voie. D’où la question que soulève ce paradoxe ; quel intérêt un juif peut-il avoir à vouloir déresponsabiliser le gouvernement de Vichy, alors que la contrition des français qui ne sont pas antisémites, était quasi totale devant la responsabilité nationale de cette époque.

Démontrer l’impéritie de certains journalistes ? Provoquer les héritiers du Front Populaire ? Sur quel fondement ?

Le « détail » est constitué en ce que Zemmour utilise un article défini quand il évoque « LES juifs français sauvés par Vichy », ce qui supposerait qu’ils auraient tous été sauvés, alors que plus tôt il parlait « DES juifs français sauvés par Vichy ». C’est ce distinguo, avec la révision du procès de Vichy qui en découle, qui lui vaut les diatribes récentes.

Pendant ce temps, prudent, malgré ce que lui a fait dire Le Monde ; « A Vichy, Emmanuel Macron mène campagne sans le dire contre Eric Zemmour », le Président est resté à l’abri des historiens ; «Vichy nous renvoie (…) à une Histoire. À cet égard, il faut juste se dire que nous l'avons vécue, qu'elle a été écrite par les historiographes, et que c'est une bonne chose de s'y tenir».

Il laisse donc aux opposants d’E. Zemmour le soin de le contredire sur un terrain qui faisait consensus jusque-là. L’antagonisme judéo-chrétien (***) probablement diffus encore dans cette première moitié de XXe siècle n’entre pas ici.

 

Quelle différence ? Les quelques lignes suivantes s’y intéressent.

Partant des lois antisémites de Vichy il ne restait que peu de place à la controverse et pourtant, Salamé s'opposera à Zemmour qui défendait que « 95% DES juifs français avaient été sauvés ».

Pour ne pas prêter le flanc à un quelconque antisémitisme voire négationnisme condamnables, on se référera principalement ici à des historiens juifs pour instruire un commentaire.

A contrario d’une opinion généralisée en France qui condamne sans restriction le gouvernement de Vichy depuis l’après-guerre, l’opinion des historiens aurait évolué au gré de leur accès aux archives, quand certains journalistes oublieraient ( ?) de mettre à jour leurs connaissances, quitte à « entretenir une légende devenue force de réalité » dira Paxton.

En 2012, Alain Michel rabbin et historien à Yad Vashem (mémorial de la shoah à Jérusalem), estimait avec son livre « Vichy et la Shoah », que … « 88 % des juifs de nationalité française ont échappé à la déportation… ».

Opposé à ces estimations, l’historien américain Robert Paxton est régulièrement cité avec sa thèse de 1973; « Vichy n’aurait pas joué double jeu ni servi de « bouclier aux juifs français » quand dans le même temps Robert Aron prétendait le contraire.

Un événement viendra modifier la perception des responsabilités de Vichy chez Paxton. L’examen de ses positions avant et après sa découverte des archives françaises ouvertes en totalité en 2008 nous intéressera pour la conclusion.

Robert Paxton a acquis une notoriété après s’être penché sur Vichy pendant des décennies. Il a souvent été appelé à témoigner sur cette période après avoir largement publié sur ce thème, et à justifier de l’antisémitisme du gouvernement de Vichy. En 1981 il publiait un livre retentissant « Vichy et les juifs » qui contribuera à imposer ses thèses. Trente-cinq ans après, éclairé par les nouvelles archives il sortait une nouvelle édition complétée. Interrogé (France info) sur les différences entre ces deux éditions, il expliquait en 2015 que « l’administration française appliquait parfois avec pas beaucoup de joie et même avec désapprobation les lois antijuives (****)… En zone libre, la France a reçu au camp de Gurs 7000 « immigrés » juifs expulsés d’Allemagne en 1940 d’où ils sont repartis en 1942.»

Le journaliste : « …les allemands ont sauvés si je puis dire les juifs (!!!) que les français ont renvoyés, incroyable… » Paxton : « …pendant deux ans Vichy avait tenté de convaincre les allemands de reprendre leurs réfugiés jusqu’à ce que les allemands se décident… »

Question ; « Les français avaient-ils connaissance de la solution finale en 1942 – Paxton : «  pas vraiment… personne ne pouvait savoir ce qui se tramait… c’est seulement lors de la libération des camps en 1945 que cette vérité a éclaté ».

Question ; «  pourquoi Vichy pensait qu’il y avait trop de juifs ? » (En 1940 il y avait 330 000 juifs dont 130 000 étrangers)

Paxton : « Avec le Front populaire c’est le triomphe des juifs pour la droite… à un moment où la France est affaiblie économiquement… les français qui n’ont pas de travail voient arriver des immigrés qui ont la même profession qu’eux à un moment ou la littérature, le cinéma ne laissent plus assez de place à la culture française… »

Ces quelques échanges plantent le décor à un moment où la question des camps d’extermination ne se posait pas.

Paxton ajoutera : « Si Laval affichait des opinions antisémites face aux allemands, on ne sait s’il l’était, les archives ne le démontrent pas… »

Plus récemment, dans l’entretien du Monde largement diffusé pour rappeler l’antisémitisme de Vichy, se glisse une phrase de Paxton qui explique le « détail » :

Question: « … en 1941 les allemands augmentent la pression sur Vichy et demandent un quota de juifs à déporter, comment réagissent les autorités de Vichy ? »

Paxton (abandonnant sa thèse de 1973 d’un Vichy qui n’aurait pas été bouclier pour les juifs) : « ils ont une très forte envie de renvoyer les réfugiés allemands en Allemagne, on voit germer une très forte distinction entre les juifs citoyens français et les juifs étrangers, pendant ces deux premières années on voit très bien que le gouvernement de Vichy parvient à faire reporter l’arrestation et la déportation de citoyens juifs français en espérant que la déportation des immigrés juifs étrangers serait suffisante. Dans cette idée de France protectrice des juifs il y a le germe d’une réalité, c’est souvent le cas qu’on commence à voir en 1942… notamment après l’arrestation par les allemands de 700 juifs en France qui enfreint la souveraineté française… Quand je relis aujourd'hui certains jugements prononcés par moi à l'époque (comme ceux des pages 62-63 et 288), je concède qu'ils sont bien trop totalisants et parfois féroces..."

Avant Paxton,  Poliakov, Aron, Hilberg (juifs) faisaient remarquer que le refus par Laval de livrer aux Nazis en 1942 les Juifs français avait singulièrement amoindri l'impact de la Shoah en France, comparé à ce qui s'est passé dans d'autres pays occupés.

 

Opposé à la présentation par Laurent Joly des événements, l’historien israélien Joseph Billig abonde dans le sens des nouvelles découvertes de Paxton. Dans un papier qui souligne le penchant de Laurent Joly à développer une histoire à charge de Vichy HERODOTE livre l’opinion de Joseph Billig : « Le gouvernement (français lors de la rafle de 1942) consentit à fournir les forces nécessaires afin d’éviter que les Allemands ne s’emparent de n’importe qui parmi les Juifs … Cependant cette participation au crime qui assura sa réussite s’accompagna d’une réaction salutaire de Laval qui a permis de « limiter les dégâts ». Seul un historien juif peut présenter Laval sous cet angle.

Confronté à cette réalité contraire à une opinion mainstream qu'il alimente, Laurent Joly défend sans nuance ni mesure un crédo répandu;" Redisons-le, la collaboration est bien le principal ressort de la politique Laval-Bousquet de 1942. Vient ensuite l’antisémitisme xénophobe, si répandu à Vichy, sans lequel les juifs apatrides n’auraient pu être si facilement livrés aux nazis." Avant d'admettre ce que d'autres négligent moins que lui " La volonté de l’État français de protéger ses nationaux, ou plus précisément les plus « enracinés » parmi eux, dans un contexte de pression redoutable, n’est pas niable..."

A noter à propos de Laurent Joly, il succède à Denis Peschanski en qualité de nouveau Directeur du Conseil scientifique du Mémorial du Camp de Rivesaltes. C'est un spécialiste de l'antisémitisme sous le régime de Vichy engagé, il était notamment intervenu dans la récente campagne présidentielle pour apporter la contradiction au candidat Eric Zemmour et à sa présentation nuancée de l'antisémitisme de Vichy.  

A chacun de se faire une opinion à propos d’événements que des médias pourraient nous raconter sans préjugés politiciens, en confrontant des historiens.

Comme dirait notre Président à propos de l’Histoire « gardons-nous de la manipuler, de l'agiter, de la revoir ».

 

(*) https://onenpensequoi.over-blog.com/2021/01/archives-du-vatican.pie-xii-pape-d-hitler-rempart-anticommuniste-ou-tete-de-turc-de-l-antichristianisme.html

 (**) Yaël Braun-Pivet présidente de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale : « Je suis inquiète parce que je suis une femme et parce que je suis juive… Je ne sais pas si Eric Zemmour est antisémite, mais en tout cas, il est entouré d'un certain nombre de personnes qui sont très clairement antisémites » (franceinfo). 

Jean-Luc Mélenchon ne semblait pas de cet avis quand il déclarait : « Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit (…) beaucoup de traditions liées au judaïsme. » On devine la dénonciation d’une islamophobie judaïque qui pourrait être une réaction à l’antisémitisme islamique qui sévit en France aussi.

(***)  https://onenpensequoi.over-blog.com/2020/04/la-civilisation-l-education-ou-la-morale-judeo-chretienne-de-pieux-poncifs-infondes.une-histoire-autant-juive-que-chretienne-1/3.htm

(****) L’Education Nationale à propos de la shoah (paragraphe « des acteurs de sauvetage ») explique: « Si la majorité des fonctionnaires obéissent aux ordres, certains font le choix de protéger les Juifs. Ces actes de désobéissance sont risqués et souvent difficile à entreprendre, mais ils sont très utiles et efficaces dans le sauvetage des Juifs menacés. Préfets, maires, employés municipaux, policiers ou gendarmes sont d’une grande utilité dans la fabrication de faux papiers et dans la circulation de l’information pour avertir les Juifs du danger (arrestations, rafles)... Les diplomates et consuls sont également sollicités pour fournir des visas permettant aux Juifs de quitter la France » 

 

(5) https://www.herodote.net/Reponse_de_Laurent_Joly_a_Alain_Michel-article-1756.php

(6) documentaire "Blum Pétain duel..." LCP 25/09/23

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