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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

Sainte-Sophie. Les mahométans nationalisent son capital immatériel.

567 ans après la première occupation de l’édifice chrétien les mahométans occupent à nouveau le joyau byzantin.

Le deuxième calife Omar n'aurait pas approuvé cette décision, lui qui avait refusé d'entrer dans le Saint-Sépulcre à l'heure de la prière, alors qu'il venait de recevoir les clés de Jérusalem, par crainte qu'on interprète son geste comme une occupation des lieux. Erdogan a oublié l'exemple de son calife. 

Cette décision islamique opposée aux valeurs laïques occidentales, doit s’entendre comme la décision d’un parti politico-religieux au pouvoir sans partage. Ibn Khaldoun (XIVe s.) rappelait que les dirigeants musulmans sont le choix de Dieu, leur décision s’impose au-delà de toute autre considération, c’est l’expression de la charia (loi islamique) Cette croyance perdure chez des musulmans encore.

L’islam se confond avec la nation en Turquie comme partout ailleurs.

 

 En 1924 , Mustafa Kemal bouscule ce paradigme et impose des changements radicaux.

                                                  Mustafa Kemal 

 

Promoteur de la « raison et de la science », il importe les valeurs occidentales et lutte contre celles du sultan Abdülmecit II et de son pouvoir religieux (en qualité de dernier calife) qui maintenait son pays à l’écart des bénéfices de la modernisation rapide en Europe. Il le déposera.

       Mustafa Kemal interdira le fez traditionnel et imposera le haut-de-forme 

Les turcs renouent aujourd'hui avec ce mode de gouvernement théocratique disparu un temps avec Mustafa Kemal qui avait rapproché la Turquie, ses femmes et ses hommes de l’Occident.  

                       Mustafa Kemal en baignade avec des femmes.

 

C’est cette page d’ouverture dans son pays et vers les autres, que tourne Erdogan avec les turcs nostalgiques de la période d’avant Mustafa Kemal (Atatürk le « Père des Turcs »). 

Ailleurs, la basilique aurait été confiée à une communauté religieuse ou à un service culturel. La Turquie musulmane a renationalisé le capital immatériel de Sainte-Sophie comme une banque ou une entreprise.

Se faisant, Erdogan ne changera rien aux racines chrétiennes de la magistrale œuvre architecturale de l’empereur romain Justinien. Mille ans de christianisme ne pourront jamais être effacés malgré les minarets signes d’un accaparement postérieur par les envahisseurs descendants de la tribu des Osmani d’Anatolie et plus avant d’Asie centrale.

La religion essence du pouvoir, est intriquée dans la vie des peuples musulmans, les non croyants peuvent toujours aller voir ailleurs dans le meilleur des cas. 

Quel besoin pour l’état Turc, si ce n’est de souligner son indigence, de recycler un « monument d’occasion » plutôt que d’imiter les Emirats arabes unis avec leur nouvelle mosquée flamboyante « Marie mère de Jésus » ?

Le trésor patrimoine de l’Humanité, que représente certaines mosaïques de l’aube du moyen-âge, a été conservé sans le vouloir, par les musulmans qui dès la première occupation ont recouvert d’une couche de chaux les représentations d’êtres vivants, parures intérieures du monument. Les musulmans ayant emprunté aux juifs cette pratique ancienne.

Que ceux qui ne les ont pas vues se dépêchent s’ils veulent contempler cette admirable expression artistique qui par cette nouvelle occupation, sera cachée (ponctuellement ?) en attendant un jour, une décision inverse.

Ceux qui voient pour Erdogan à travers cette islamisation du monument, le moyen de masquer ses difficultés politiques avec les défaites électorales pour son parti dans de grandes villes, négligent l’essence islamique de ses décisions. Les nombreuses manifestations religieuses et historiques expriment la volonté de redonner à l’islam, outil de domination des peuples, son rang perdu de dominateur de la méditerranée. Un manifestant fou de joie ou d’Allah, éructait devant la basilique retombée entre les mains islamistes, son sentiment révélateur d’une intention jamais éteinte depuis quatorze siècle ; « Sainte-Sophie devenant mosquée, c’est l’islamisation de la chrétienté ». 

 

Pour qui douterait de la dimension hégémonique qu'Erdogan veut redonner à l'Islam, son compte twitter arabophone est éloquent:

 " La renaissance de Sainte-Sophie est un premier signe vers la libération de la mosquée Al-Aqsa " située sur le Mont du Temple à Jérusalem, emplacement sacré pour les juifs. Erdogan caresse le rêve musulman de posséder à nouveau Jérusalem en provocant inutilement les juifs.

Pour comprendre ces comportements d’un autre temps, quelques pas en arrière nous éclairent. Restés à deux reprises au pied des remparts de Vienne, les turcs n’ont jamais réussi à dominer l’Occident chrétien qu’ils convoitaient. Seule trace de leur passage, le croissant devenu viennoiserie. Depuis l’effondrement de leur empire, les affronts se sont succédés jusqu'au dernier qui leur a fermé l’accès à la communauté européenne, après que leur ait été remis en 1991 à Bursa le Prix de l'Europe décerné aux villes qui ont réalisé "des efforts exceptionnels pour propager l'idéal d'unité européenne". Etait-ce déjà un leurre Ottoman ?

 

Les Ottomans, encartés dans un islam rigoriste et dépassé, ont perdu la superbe de leur domination ancienne pour de nombreuses raisons religieuses. Mohamed Arkoun entouré de spécialistes, les exposent dans son excellent livre « L’histoire de l’islam et des musulmans en France, du moyen-âge à nos jours ». Il y explique les frustrations des musulmans qui ont vu se développer une domination occidentale et chrétienne, pendant que les retards s’accumulaient pour des raisons dogmatiques en terre d’Islam ; refus d’utiliser les gréements plus performants des voiliers chrétiens avec les conséquences commerciales inhérentes, refus d’utiliser l’imprimerie au motif que l’invention émanait d’un chrétien, contrôle des développements scientifiques dans les médersas du Maghreb par les janissaires Ottomans...    

Erdogan qui n’a pas les moyens de ses ambitions conserve un pouvoir de nuisances et se cantonnent à des mesquineries ou à une pratique courante musulmane ancienne; la guerre au motif d’un djihad qui n’a plus sa place dans les temps modernes.

Sainte-Sophie est aussi victime d’un Occident qui n’a pas toujours été charitable avec sa famille d’Orient. Après avoir laissé tomber les chrétiens en 1453 face à l’envahisseur Turc, les catholiques ignoreront ils encore le sort de la Basilique en laissant seul le Pape se dire « affligé » ?

Inspirée de celle des musulmans de Cordoue qui ont demandé à prier dans la mosquée cathédrale, la même proposition pourrait être adressée aux musulmans d’Istanbul ; accepteraient-ils que la messe soit dite dans la basilique mosquée de Sainte Sophie ?

A Jérusalem, certains juifs doivent observer d’un œil intéressé l’occupation et la transformation en mosquée de la basilique. Au motif d’une réciprocité provoquée par les musulmans, l’occupation et la transformation de l’esplanade des mosquées par les juifs qui veulent y prier à nouveau ne trouvera plus d’opposition chez les musulmans qui ont œuvré pour l’islamisation de Sainte-Sophie.

En attendant, Poutine et Hassad sont convenus de construire une nouvelle Sainte Sophie à Hama en Syrie. Ce faisant, ils sanctuarisent la ville que les frères musulmans convoitaient; qui osera s'en prendre à l'édifice de la Russie de Poutine ?

Leur cadeau aux chrétiens d'Orient d'Hama qui s'appelait Epiphanie dans l'antiquité, est digne de ceux des "Roi mages".

Une conjoncture qui ne manquera pas d'irriter à son tour le sunnite Erdogan.

 

NB,  Le vocable mahométan  a été utilisé pendant des siècles pour désigner les musulmans. La pratique consistant à utiliser (*) les magnifiques cathédrales des chrétiens est ancienne comme cet adjectif remis au goût du jour par la décision islamique.

(*) http://onenpensequoi.over-blog.com/2016/08/naissance-et-fin-des-nations-question-de-temps-5-6-11.html

Photo

 

 

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