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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

Sale temps pour les résidences secondaires en Bretagne sud. Un « ghetto de vieux riches »

 

A la sortie de Vannes, la canicule a frappé quelques esprits en presqu’île de Rhuys.

Située entre le golfe du Morbihan et l’océan, l’endroit jouit d’un microclimat comme, Belle-Île, Houat, Hoëdic, Quiberon et d’une situation privilégiée que quelques-uns bien inspirés ont détectée dès les années 60 pour en faire leur lieu de villégiature.

Ils n’étaient pas les premiers.

Au moyen-âge, les ducs de Bretagne avaient déjà construit en bord de mer leur résidence « secondaire », le château de Suscinio. Charles VIII, premier roi de France à rapprocher le duché du Royaume, considérant l’importance et la rareté de la forêt de Rhuys l’avait protégée par son décret du 17 octobre 1493 qui nous renseigne sur les motifs de l’attirance des lieux :

« le château et place de Suscinio qu’est l’une des maisons royales et lieux de nostredict païs où ducs et princes de Bretagne ont fait souvent résidence pour raison de beaux déduitz de chasse….qui est comme avironné de mer, décoré de plusieurs grands domaines, estancgs, moulins à mer, salines, vignes, grand nombre de blez et autres choses de grands et bons revenus…y a forest et boys de haute futaille, parc cernez et clos… Pourquoy nous, ces choses considérées, ne voullans pas …la destruction d’icelle place. »

 Après les ducs, les pêcheurs ont embelli la côte côté golfe avec de charmants villages de maisons en pierre de granit, devenues des résidences secondaires parfaitement entretenues qui font face aux îles du golfe du Morbihan ; île aux moines, île d’Ars et des dizaines d’autres.

 

 

Coté équipement, la presqu’île est bien dotée. Un golf longe une grande plage côté océan jusqu’à la Thalasso propriété maintenant d'un émir du Qatar, à proximité du port du Crouesty, plus grand port de plaisance de Bretagne avec sa liste d’attente de 10 ans pour une place dans le port. Un casino complète les prestations de ce coin privilégié du Morbihan.

Incontestablement le charme de la presqu’île bien que transformée, perdure et la pression immobilière reflète l’engouement des nantais, rennais et autres parisiens principalement.

Alors que se passe-t-il dans ce joli coin breton où les 3/4 des résidences sont secondaires ?

Un article de Franceinfo nous alerte sur les « ghettos de vieux riches en presqu’île de Rhuys » où des résidences secondaires ont été taguées par des locaux qui s’élèvent contre les prix élevés des maisons et la rareté des locations accessibles à l’année. Ils s’en prennent aux résidences secondaires et adressent à leurs propriétaires des reproches en vrac.

Les invectives répétées dans l’article et ci-après, méritent quelques commentaires.

" On a créé des ghettos de vieux riches sur la côte bretonne en excluant les classes populaires."

Sans s’attarder sur l’élégance de la formule, on répondra que personne n’a été exclu et que les responsables de la situation ne sont pas ceux dénoncés ici.

Explication.

Au fil de ces dernières décennies les propriétaires ont vendu leurs terrains encadrés par les PLU des communes et donc des élus. Les propriétaires des terrains ont bien valorisé leurs biens en appliquant les hausses successives du marché qui se créait avec eux. Certaines familles d’ostréiculteurs propriétaires de nombreux terrains, vendaient au gré de leurs besoins et des évolutions du marché. Les parcelles en bord de mer notamment étaient prisées et vendues en conséquence, jusqu’à ce que la loi littorale freine leurs droits à construire. Ce sont les résidents secondaires, groupés en association qui préservent maintenant le littoral contre les appétits des anciens propriétaires qui ont attendu trop longtemps que les prix montent encore pour vendre. Certains spéculateurs marris agissent donc auprès des députés pour rogner la loi littorale dans l’espoir de vendre toujours plus cher. Ce ne sont pas des résidents secondaires.

Si les prix de l’immobilier de la presqu’île ont bien grimpé ces dernières années, c’est néanmoins sans comparaison avec ceux des grandes villes du pays dont les conditions d’accès au logement sont bien plus difficiles pour les jeunes notamment.

 "Par endroits, il n'y a pas une maison allumée sur dix"

C’est vrai, ici comme sur toutes les côtes et dans toutes les régions touristiques de France. La contrepartie c’est l’activité générée dans la presqu’île. Pour s’en convaincre, il suffit de remonter à 2008/10 pour voir les conséquences de l’arrêt des transactions, les entreprises de la presqu’île débordées avant la période, fermaient. Sans ces « vieux riches (*) », il n’y aurait pas plus d’emplois ici que dans certaines contrées dépeuplées de notre territoire où les villages s’éteignent et dont les maires rêveraient de cette manne touristique.
(*) Récemment encore, la moyenne d’âge des acheteurs de résidence secondaire autour du golfe du Morbihan était de 52 ans.

Quand "ils arrivent, on a le sentiment d'être envahi"

Ce sentiment n’est pas partagé par tous les commerçants et les vendeurs sur les marchés de la presqu’île qui toussent lorsque la météo grincheuse retarde les résidents. Les ostréiculteurs vendent une grande part de leur production aux « envahisseurs », en fin d’année, l’activité est au plus haut. N’allez pas leur dire qu’il faut chasser leurs clients.

Certains diront qu’en période creuse hors congés, la presqu’île est bien morte. Affaire de point de vue. 

 "Il n'y a pas de lien social. Ces gens viennent, consomment la presqu'île et repartent"

Cette assertion est infondée pour une bonne part si l’on en juge par le nombre d’associations où se mélangent les résidents secondaires et les résidents à l’année. On ne peut pas attendre des campeurs de passage deux ou trois semaines dans l’année qu’ils tissent des liens durables avec les habitants.

On pourra rétorquer à l’auteur, que personne ne l’empêche d’approcher ces visiteurs, le succès de ses rencontres dépendra de son empathie à leur endroit.

"Les résidences secondaires bouffent les logements pour les jeunes et la mono activité touristique ne fournit que des emplois précaires. C'est tout un système qu'on dénonce à travers ces résidences… »

L’auteur se trompe de cible, les résidents secondaires ne « bouffent » aucun logement. Les réserves foncières de la presqu’île sont réelles, c’est aux élus de prendre en compte le besoin de logements sociaux au lieu peut-être, de créer de l’activité facile avec des rond points pléthoriques. Si les résidences secondaires ne génèrent pas que des emplois CDI, leur disparition n’en apporterait pas plus, c’est un autre problème. La « monoactivité touristique » reste une activité essentielle pour ce territoire, aller contre n’arrangera ni l’emploi ni le logement social dont on n’aura plus besoin si le territoire se vide.

Si les justifications de ces tagueurs sont discutables, leurs objectifs doivent être néanmoins entendus et il appartient aux élus de la presqu’île et de la région de considérer ces revendications légitimes de logements pour les jeunes et pas seulement.

La production viticole s’est éteinte au XIXe s. Le maire de Sarzeau avait envisagé de relancer cette activité pourvoyeuse d'emplois ; la presqu’île attend...

Ces nouveaux projets doivent être encouragés par les élus pour développer des activités pérennes et compatibles avec l’environnement de la presqu’île insérée dans le Parc Naturel Régional du Golfe du MORBIHAN.

Si les tags ne sont qu’un mouvement d’humeur pour être entendu des élus, ils seront vite oubliés. Leurs auteurs pourront compter sur les résidents secondaires pour que les élus répondent aux demandes légitimes de logements… financés aussi avec leurs taxes d’habitation et leurs taxes foncières.

PS du 8/05/20: la pandémie du COVID19 est venue confirmée postérieurement à l'écriture de ces lignes, la nécessité pour la survie économique de la presqu'île de Rhuys de s'ouvrir. Le Maire d’Arzon lance un cri d'alarme. 

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