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L'apostilleur

Ne pas rire (se moquer), ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza)

Avant de voter aux élections européennes, il faudra penser à la Chine, aussi.

 Deux regards sont à considérer pour ces prochaines élections, celui qui pointera la kyrielle de difficultés qui parsèment l’existence récente de cette Europe imparfaite qui louvoie entre ses valeurs et ses objectifs inhomogènes, et celui qui examinera, sans Europe, l’avenir des pays qui la compose avec en perspective le déplacement inexorable du centre de gravité des puissances dominatrices vers l’Orient. L’attention vers le premier ne devra pas éclipser le second.

S’agissant des difficultés intra-européennes, on discutera  immanquablement d’écologie,  de cette finance opaque hors contrôle qui échappe aux institutions et aux impôts et qui gangrène l’idée européenne. Egalement, des conditions qui encadreront l’immigration et les limites que l’Europe voudra bien trouver (ou pas) pour répondre à la question de François Hollande dans son livre ; « Comment peut-on éviter la partition ? Car c'est quand même ça qui est en train de se produire : la partition ». Car l’oracle de Jacques Julliard, « …le peuple n’admettra jamais le communautarisme parce qu’il sait bien que, substitué à la République une et indivisible, il mène à la guerre civile », reste à conjurer.

Ces causes graves qui noircissent l’avenir de l’Europe pourraient être gérables par son parlement que le dégagisme ambiant devrait rendre attentif aux aspirations des peuples. Il en reste, économiques qui ne dépendent pas que d’elle et qui devront être observées indépendamment. Quel pourrait être l’avenir de chacun des pays d’Europe face aux défis asiatiques ?

 

Pour apprécier le péril à venir, comme souvent, l’avenir se devine dans le passé.

Si la civilisation occidentale s’est répandue vers l’ouest en influençant définitivement le continent américain, vers l’est asiatique les nombreuses colonisations sont restées sans effets durables, sauf pour les campagnes de christianisation des dominicains et autres jésuites qui devraient récolter le fruit de leurs efforts avec la Chine ; premier pays chrétien au monde vers 2030 (15% de sa population).

Aujourd’hui la mondialisation incontrôlable souligne les différences qui enflent au rythme des échanges, entre les « civilisations-continents ».   

La Chine, moteur des changements annoncés depuis 1973 quand Alain Peyrefitte nous a prévenus, tire donc vers elle les perspectives de temps meilleurs au détriment d’un Occident à courte vue.  Il expliquait que « La Chine d'aujourd'hui ne prend son sens que si on la met en perspective avec la Chine d'hier ». On suivra donc cette recommandation pour comprendre que ce qui arrive était inéluctable.

Pour l’apprécier, on pourra relire ce message subliminal des chinois. Il y a quelques années à l’occasion d’une exposition internationale, la Chine annonçait à sa manière ce qui allait arriver en rappelant l’ordre des choses. Elle avait refusé l’invitation qui lui avait été adressée, se contentant d’exhiber deux tableaux dans le pavillon qui lui était destiné. Ils représentaient la Cité Interdite à Pékin avec, à l’extérieur, au premier plan, des étrangers d’origines diverses alignés; une file de ministres plénipotentiaires dans leurs costumes d’époque, attendant d’être reçus par l’empereur. Cette scène rappelait à ceux qui l’auraient oublié, que la Chine ancestrale se pensait «Céleste Empire», notion induite par son ascendant sur le reste du monde, et que par conséquent, il était de bon sens qu’ils patientent pour l’hommage à rendre au « Fils du Ciel ». Cette représentation du passé était aussi un signe pour l’avenir qu’elle préparait.

Une parenthèse de deux siècles qui s’efface devant nos yeux aujourd’hui, a fait oublier l’imposante domination chinoise pendant plus de mille ans sur les territoires et les peuples qui l’intéressaient. Son histoire a montré que ses envahisseurs aussi adoptèrent sa culture comme tous les autres aspects de la société chinoise pour finir par s’y fondre autour des valeurs politiques, philosophiques et morales du confucianisme, ciment de la société chinoise. Les piliers de cette civilisation semblent quasi-insensibles aux influences de l’Occident.

Les chinois ont montré leur puissance commerciale quand ils l’ont voulu. Les routes de la soie réveillées aujourd’hui sont là pour le rappeler, comme la flotte qu’ils ont déployée en mer de Chine au XVe s. pour leurs « sept  grands voyages » guidées par Zheng He et son voilier amiral six fois plus grand que celui de Christophe Colomb près d’un siècle avant lui. Cette armada est en cours de reconstitution, avant de redevenir prochainement ce qu’elle était, la plus grande du monde.   

S’ils se sont isolés un temps derrière la grande muraille ou en détruisant entièrement leur flotte et les traces de leur périples maritimes, c’était volontairement. Les mandarins isolationnistes ont persuadé les empereurs chinois de se consacrer exclusivement à la Chine, convaincus de leur domination dans tous les domaines et ne voyant rien de suffisamment bon à l’extérieur des frontières pour s’y intéresser.

Se faisant, ils ont contenu l’influence des autres civilisations et ancré leurs racines dans le terreau de la culture chinoise aussi imposante que l’immensité de son territoire ou de sa population. Les japonais ont fait de même, et les indiens redéfinissent aujourd’hui leur nation non plus autour d’un territoire, mais d’une communauté d’individus ayant la même culture, à  l’opposé du projet européen des origines qui pariait sur la réussite d’un multiculturalisme refusant de tracer ses origines culturelles dans la constitution. Ainsi, l’homogénéité, discutable certes sur certains aspects, de ces imposantes nations mono-culturelles, est le socle puissant sur lequel ils construisent leur avenir.

Ces quelques rappels sont à mettre en perspective pour décider de l’avenir d’une Europe qui sera vassale ou résistante.

Il faudrait donc qu’elle se convainque de l’importance de la cohésion culturelle et politique qui favoriserait la compréhension et l’adoption par tous ses membres, des valeurs communautaires héritées. Celles des romains qui établissaient les bases de la civilisation occidentale en diffusant leurs idées et les valeurs du christianisme, et des penseurs grecs qui apporteront leur contribution grâce aux arabes de Cordoue notamment au moyen-Age. Cet héritage culturel, tellement présent qu’il est oublié souvent, est le liant invisible des pays européens. Il doit être le trait d’union entre les pays d’une Europe agrégée qui saura alors relativiser ses particularismes.

Elle devra se persuader aussi de l’importance déterminante de sa dimension si elle veut sauvegarder son héritage idéologique et la taille critique nécessaire à la préservation de son modèle économique.

Grand clerc, Michel Onfray annonce la fin de notre civilisation dans son livre Décadence. Nul doute que cet augure adviendra si l’Europe ne se renforce pas pour le repousser. Pour s’en convaincre, les développements industriels prometteurs chinois, dans le ferroviaire, l’aéronautique, le spatial, l’automobile avec les cohortes d’ingénieurs et d’ouvriers aux salaires trop concurrentiels, les terres rares qu’ils contrôlent, la propriété intellectuelle qu’ils ignorent... sont autant de signaux annonciateurs des difficultés prochaines pour ses concurrents.

Devant ce mastodonte économique, nous avons la possibilité d’attendre qu’ils inondent la planète de leurs produits que nous pourrons alors copier car les leaders industriels auront changé de méridien, ou de faire face à cette hégémonie annoncée comme D. Trump s’y essaye, avec la puissance qu’il représente.

Sans Europe, quel pays pourra l’imiter ?

Si les seules considérations européennes et son contingent d’imperfections pourraient rendre souhaitable une France détachée de Bruxelles dans une Europe défaite, le terrain d’aventures qui s’ouvrirait alors doit nous rendre circonspects.

L’opinion aux consonances très actuelles d’Ernest Renan (conférence à la Sorbonne du 11/03/1882) mérite qu’on la relise « les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement les remplacera.» Il ajoutait à propos des cacophonies des nations ; « … toutes ces dissonances de détail, disparaissent dans l’ensemble ». Très critique à l’encontre des politiciens; « les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper et qui du haut de leurs principes supérieurs prennent en pitié notre terre à terre. ‘’Consulter ces populations, fi donc ! Quelle naïveté ! ‘’ Il reste optimiste avec son précepte ; «… Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé. » Etre démodé aujourd’hui c’est croire encore à cette Europe imparfaite et convaincre les «transcendants politiques » d’Ernest Renan à écouter davantage « les terre à terre » plutôt que Goldman Sachs ou David Rockefeller auteur imbu de sa condition, qui déclarait que  « la gouvernance d’un pays est une chose trop sérieuse pour la laisser au peuple ».

Comme souvent, voter impose de choisir la moins mauvaise solution ; une France inféodée à Bruxelles qui reste à modeler, ou aux futures « nations-continents » expansionnistes ?

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