22 Janvier 2018
Les autrichiens, et pas seulement, ont mis la barre à droite dans les courants contraires des agitations européennes lors des dernières vagues migratoires.
Qui est responsable du vote de l’Autriche ; les autrichiens, l’Allemagne ou l’Europe ?
Généralement, l’Europe est idéologiquement ancrée dans une posture libérale des échanges commerciaux qu’elle entretient parfois même au détriment de ses intérêts. Elle s’est crue capable d’imposer aux pays et aux peuples des préceptes de la même veine drapés de moralité, pour traiter les difficultés apportées par les vagues migratoires humaines, et cacher en réalité des motivations qui le sont moins.
La recherche en vain de solutions européennes à ces problèmes, a illustré l’inhomogénéité des points de vue d’où ont émergé les discordances. Il en a résulté des directives européennes qui ont semé le trouble car changeantes au gré des décisions allemandes soutenues du bout des lèvres par les français (pour les besoins de la façade franco-allemande) et combattue par de nombreux pays, d’Europe centrale notamment. Les facettes de l’immigration se sont révélées rapidement avec plus ou moins de diplomatie selon les pays. D’où les dégâts constatés dans les rangs des partis politiques traditionnels bien plus atteints par leur incapacité à gérer l’événement que par la crise financière de 2008.
L’immigration mouvementée en Europe ces dernières années a donc provoqué des comportements divergents chez nos dirigeants européens et erratiques en Allemagne, que ses voisins autrichiens ont probablement intégrés et traduits dans les urnes. S’ils avaient en mémoire les quelques passages qui suivent, faut-il s’étonner de leur vote ? Les gouvernants européens ont fait montre de navigation à vue et de pirouettes sur le sujet, à commencer par la première d’entre - eux, Angela Merkel.
Un rapide retour en arrière permet de dresser un bref inventaire des déclarations hasardeuses et des réelles motivations masquées par de belles intentions peu solides. L’immigration est traitée en regard de nécessités économiques égoïstes d’abord, que les gouvernements enrobent ensuite de postures altruistes auxquelles les européens dans leur majorité sont sensibles. Normal, c’est un trait culturel marquant fondé sur leur histoire et leur éducation occidentale. Matteo Renzi dira d’ailleurs à Bruxelles : « L’Europe n'est pas qu'une affaire de budgets, ce n’est pas l'Europe que nous avions imaginée à Rome en 1957. »
Alors, si les peuples occidentaux réagissent aux mêmes élans de générosité, pourquoi pas ici ?
L’intérêt de la comparaison Autriche/Allemagne réside en ce qu’ils sont de culture identique et cependant capables de décisions opposées en matière d’immigration. Certes, avec près de 9 millions d’autrichiens, la tendance positive de son évolution démographique (qui serait atone sans son immigration) ne contraint pas l’Autriche, aujourd’hui aux mêmes décisions qu’Angela Merkel, mais la réponse pourrait-être dans le film des événements.
Probablement pour faciliter l’ingestion de la mesure par les allemands, elle ajoute, « Il y a rarement eu une année où nous avons été autant mis au défi de mettre nos paroles en accord avec nos actes. » « Il est évident que nous devons aider et accueillir ceux qui cherchent un refuge chez nous… Et il n’est pas question de fermer les frontières ». L’Allemagne accueillera en 2015 un million cent mille personnes, cinq fois plus qu’en 2014.
En 2017 en Autriche, les élections dominées par la question des immigrés ont confirmé ses positions très fermes de l’été à propos des frontières qu’ils ont fermées à l’immigration et laissées aux soins de leur armée et de leurs chars. A en croire le nombre des opposants/manifestants à cette politique qui a fondu en passant de 250 000 en 2000 à 5 000 en 2017, un consensus apparaît maintenant plus largement dans le pays sur ce point. L'alliance FPÖ-ÖVP est en marche.
Les autrichiens n’ont probablement pas été insensibles aussi aux innombrables atermoiements européens sur le sujet migratoire. Exemples.
L’ « idéologie allemande du Multikulti » a vécu, c’est un échec (**) reconnu par Angela Merkel fin 2010 qu’elle a oublié depuis, favorisant une nouvelle politique migratoire un peu plus tard. En mai 2015, les quotas d’immigrés « au nom de valeurs européennes » sont imposés par l’Europe (en réalité par l’Allemagne pour ses besoins démographiques) à tous les pays. Pour favoriser l’arrivée de tous les syriens, l’Allemagne se soustrait à la convention de Dublin qui prévoit qu’un immigré doit être pris en charge par son pays d’accueil. Tous les ordres d’expulsions en vigueur contre les demandeurs d’asile syriens seront révoqués. Et les autres ??
Les britanniques, dont la réduction de l’immigration a été la raison principale du vote pro-Brexit, prendront des décisions exactement contraires pour ne pas accueillir ceux d’Afrique du nord et du Moyen-Orient. Les migrants sont passés au tamis.
Les Slovaques ayant d’autres considérations les ont fait connaître sans complexe, «Si un tel mécanisme était adopté, nous nous réveillerions un matin avec 100 000 Arabes à nos portes.»
La Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie et la Slovaquie se sont opposées à la politique européenne de l’asile. Les Slovaques, par son ministre de l’Intérieur, avaient été très clairs, en faisant savoir « … qu’il ne pourrait s’agir de musulmans du fait qu’il n’y avait pas de mosquée dans le pays. En tant que pays chrétien, nous pouvons aider les chrétiens de Syrie à fonder un nouveau foyer.»
La conclusion de la réunion des ministres des pays réfractaires à ces mesures a fait l’objet d’un communiqué commun. « Nous disons clairement que la politique migratoire adoptée jusqu’ici par l’Union européenne n’a pas réussi et qu’il faut en tirer des conclusions. Les déclarations du commissaire et les déclarations de ministres de différents États de l’Union européenne qui veulent imposer un tel dictat et un tel chantage sont un malentendu. »
21 pays européens, dont la France qui était pourtant opposée (François Hollande) aux quotas, iront jusqu’à prévoir d’adresser « un ultimatum aux pays qui refusent les quotas de migrants en leur demandant de quitter l’UE s’ils ne voulaient pas prendre leur part du fardeau». Une cacophonie de décisions décousues, chacun se positionnant en regardant son nombril. La Commission européenne proposera également, sans rire, qu’une amende de 250.000 € par « migrant » refusé soit infligée aux pays récalcitrants…
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Qu’en est-il aujourd’hui des distributeurs de rodomontades aux insoumis des quotas ?
En septembre 2016 un mea culpa d’Angela Merkel qui sentait les contre-courants laissait entrevoir le pas en arrière qu’elle amorçait « En Allemagne nous avons ignoré le problème trop longtemps et bloqué la nécessité de trouver une solution pan européenne… Nous ne nous sommes pas attaqués au problème de manière appropriée … Cela vaut aussi pour la protection des frontières extérieures de l'espace Shenghen» A l’approche des élections il était temps d’essayer de calmer les vents contraires.
Les récentes élections allemandes, qui ont vu le score historique de l’extrême droite, ont rappelé à la chancelière qu’il est difficile pour un gouvernement de s’opposer à la vox populi, (aux «populistes» ?) en la matière aussi. Elle dira à ses partisans qu' « il est important de prendre au sérieux les préoccupations des électeurs. » Cynisme politique ou gouvernement d’à-propos ?
En 2017, pour faire suite aux mécontentements des allemands, Angela Merkel qui a terminé son virement de bord, enfonce le clou et déclare « accélérer le rythme des expulsions ». A propos de 215 000 migrants déboutés de leurs droits d’asile « La chose la plus importante dans les mois à venir, c'est le rapatriement, le rapatriement et encore une fois, le rapatriement ». Après avoir fait le plein nécessaire à sa démographie, la générosité allemande s’inverse. Oublié l’article 1 de la Constitution allemande qui garantit le droit à l’asile politique martelé précédemment « La dignité de l’être humain est inviolable ? »
Dans le même temps, l’Union Européenne exonère finalement la Hongrie et s’aperçoit de l’incongruité qu’il y avait à imposer des migrants à un des pays les plus pauvres d’Europe, la Bulgarie. Les dirigeants européens continuent à subirent les événements au lieu de les anticiper.
Enfin, l’exemple italien avec ses migrants qui déferlaient autant qu’ils pouvaient et que l’Europe a quasiment abandonnée, a probablement donné encore matière à réflexion aux électeurs autrichiens.
Alors, que l’Autriche avec seulement 9 millions d’habitants peu confiants dans ses partis traditionnels n’est pas été rassurée, est-ce étonnant ?
Faut-il donc que l’Europe jette avec condescendance l’opprobre sur des autrichiens qui animent dans le même temps de très actives associations de défense des migrants soutenues par son Eglise catholique ?
A vouloir imposer à un pays un rythme migratoire déconnecté de sa capacité d’intégration ne risque-t-on pas de déclencher l’Austro-exit ?
(*) Selon la Cour des comptes, la politique d'asile en France, dont le coût avoisine les 2 milliards d'euros par an, «est au bord de l'embolie» et n'est «pas soutenable à court terme»
La Cour souligne également que, «malgré l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui leur est notifiée, seul 1% des déboutés sont effectivement éloignés». La majorité des déboutés «reste en situation irrégulière en France».
(**) https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-multiculturalisme-est-il-une-187579